Le mystère des 40 jardiniers de la Baie de Retz

English version : https://nathjy.travel.blog/2020/07/13/the-mystery-of-the-40-gardeners-of-the-bay-of-retz/

L’exercice consiste ici à insérer les mots et expressions en gras dans une nouvelle à inventer. La plupart des photos sont extraites du jardin de rêve réalisé par Jean-Yves en 2011/2012 quand nous habitions dans le Vexin…

Samedi 12 mars 2019, il est 11 heures 20, le SAMU est en cours d’intervention dans le jardin de Lise et Julien, à la Bernerie en Retz. Vers 9 heures, Julien est sorti cueillir des fraises pour Lise. Il lui a promis de revenir rapidement car ce midi Lise souhaite à tout prix tester sa nouvelle recette de tarte aux fraises . Le déjeuner est prévu à 13 heures, avec leurs enfants, il ne faut donc pas tarder à se mettre en cuisine pour régaler la petite famille.

Lise a demandé à Julien de les lui rapporter au plus vite car elle ne veut pas faire le poireau comme bien souvent lorsqu’il part au jardin. Julien se laisse souvent prendre par les travaux de jardinage et ne voit pas l’heure passer. Parfois, il reste aussi en pleine contemplation devant les merveilles de Dame Nature. Cette fois, Lise a bien insisté pour qu’il revienne au plus vite. Elle a préparé sa pâte à tarte, a téléphoné à une amie et ne s’est finalement aperçue de l’absence prolongée de Julien qu’au bout d’une heure trente. Elle est alors allée le rejoindre dans le jardin et l’a trouvé gisant, le panier de fraises fraîchement cueillies, renversé au milieu des rutabagas.

Lise s’est précipitée dans la maison. Elle a gravi en courant les marches du perron. Elle a cherché son téléphone portable, au fond de son sac à main, accroché à la paterne de l’entrée. Le téléphone enfin retrouvé, elle a appelé les secours et est retournée auprès de Julien, en attendant leur arrivée. Elle pense maintenant à un AVC ou quelque chose de ce genre. Elle est très inquiète et sait qu’elle doit quand même garder son sang-froid. Elle rumine, elle n’aurait pas dû lui dire de se presser. L’équipe d’intervention est enfin arrivée au bout d’une dizaine de minutes. Les soignants s’affairent, à genoux, autour du corps immobile de Julien, pour prodiguer les premiers soins. Au bout d’un bon quart d’heure, qui semble une éternité à Lise, le médecin du SAMU se relève et prend la décision de transporter Julien vers l’hôpital le plus proche.

Samedi 12 mars, vers 12 heures trente, nouvelle intervention du SAMU, cette fois aux Moutiers en Retz. Cela se déroule à nouveau dans un jardin potager, sous le regard étonné des vaches, qui se délectent des herbes fraîches, dans le pré à la lisière de la forêt.

Monique est retrouvée gisante parmi ses navets et présente un état comateux assez inquiétant. Tout comme Julien, son pronostic vital semble engagé. Monique vient tout juste de fêter sa retraite, c’était hier soir. Avec les dons reçus en cadeau de départ, elle a prévu de s’acheter une grelinette. Ce matin, à l’aube, elle a décidé de tester l’outil emprunté à son voisin, avant d’investir dans l’achat qualifié d’extraordinaire par tous les férus de jardinage. Les interventions des services de secours se succèdent alors, à une cadence inquiétante, tout au long de la journée. Les équipes interviennent à Arthon en Retz, puis à Bourgneuf, à St Michel Chef Chef et enfin à St Père en Retz, toujours suivant le même scénario dans divers jardins potagers de la région.

Au total, il n’y aura pas moins de 40 interventions, en ce samedi 12 mars. Les «patients- jardiniers », comme on les appelle maintenant, sont, à chaque fois, trouvés dans un état grave au milieu de leur jardin. Ils sont ensuite répartis dans les différents hôpitaux de la région. Dans chacun des établissements, une unité de soins est maintenant dédiée aux jardiniers comateux.

En milieu d’après-midi, le Procureur de la République est saisi de l’affaire et sur instruction, il confie l’enquête préliminaire au capitaine Blob et à son équipe. Toutes les personnes susceptibles de fournir des renseignements sont auditionnées et l’on recherche des dénominateurs communs. L’emploi du temps des 40 jardiniers est épluché avec attention. Ont-ils mangé quelque chose de semblable ? Ont-ils fréquenté les mêmes magasins ? Ont-ils mangé dans un même restaurant ? Les enquêteurs essayent de dégager des pistes de réflexion.

Après une première semaine, sans aucune avancée, l’enquête de police patine et Blob commence à avoir la désagréable sensation d’avoir une araignée dans la coloquinte. Du côté du corps médical, on décide finalement de regrouper tous les jardiniers en coma, au sein d’une seule unité de soins, à l’hôpital de Saint-Nazaire, pour éviter que les différentes équipes ne se prennent le chou entre elles. Le responsable du service de réanimation, le Professeur Zeuzère est chargé de coordonner le parcours de soin de ces mystérieux malades. Bien que leur état reste stable, aucune amélioration ne se profile. Les analyses envoyées dans les laboratoires les plus performants de la région ne donnent rien. Ce qui a pu générer le coma des 40 jardiniers demeure mystérieux tant aux yeux des médecins et des chercheurs, qu’aux regards aiguisés des enquêteurs. Une piste conduit les enquêteurs à s’orienter du côté de l’utilisation des pesticides, fongicides, engrais et autres produits. L’utilisation de ces produits semble être le seul dénominateur commun entre les 40 jardiniers. Toutefois, les analyses toxicologiques ne révèlent rien de significatif. Les proches et les familles sont de nouveau interrogés et s’attèlent à croiser les informations en leur possession. Les produits de traitement trouvés chez ces jardiniers sont réquisitionnés puis analysés. Au final, aucun des jardiniers n’a utilisé les mêmes produits. Les lots sont tous différents et les dates de dernière utilisation ne correspondent pour aucun d’entre eux. Certains n’ont pas eu recours à ces produits depuis plusieurs mois et semblent même les avoir délaissés récemment. La nouvelle vague en faveur de l’écologie a permis une réelle prise de conscience sur les risques encourus.  La mort du vieux Léon, à l’automne dernier, des suites d’un cancer attribué à l’épandage d’engrais a fini par faire réfléchir les plus récalcitrants. On ne trouve donc aucune explication plausible de ce côté-là. Blob a déjà passé quelques nuits blanches sur cette affaire. Le Procureur de la République attend des résultats rapides et exige que l’affaire soit traitée avec la plus grande discrétion en raison des enjeux politiques attachés à ces questions. De-ci, de-là, ces derniers mois, quelques maires ont commencé à mettre en place, des arrêtés anti-pesticides, dans leur commune. Ils ont déclenché la colère de l’État et des lobbies. Le grand public attend cette fois-ci des informations fiables et les médias ne cessent d’appeler Blob sur son vieux Fairphone de la première génération. Depuis cette nouvelle affaire, nombre de jardiniers cessent d’entretenir leur jardin de crainte d’être atteints du même mal. Des friches commencent à réapparaître ici ou là dans la région. Les grandes marques de jardinerie tirent la sonnette d’alarme car elles restent désespérément vides en ce début de printemps. Cela fait maintenant un mois que l’enquête est ouverte et cette affaire demeure d’une opacité totale. Lisbeth, la compagne de Blob est inquiète pour son conjoint. Elle essaye de lui offrir de tout petits espaces de détente. Au cours d’un de leur dîner en tête-à-tête au Moulin de Retz, un de leur restaurant favori, elle lui parle de ses dernières lectures pour le distraire un peu. Ils partagent tous les deux une grande passion pour la lecture. Elle vient de terminer « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben et elle a enchaîné avec celui intitulé « L’horloge de la nature ». A travers ces lectures, elle a découvert les capacités insoupçonnées du monde végétal. Elle a compris que les plantes peuvent communiquer entre elles et que des phénomènes quasiment magiques peuvent se produire. Elle a persuadé Blob de lire ces deux livres. Elle ne pense pas, alors, à son enquête, mais veut plutôt le divertir et lui éviter de passer une énième nuit blanche à se tourner et à se retourner au lit. C’est donc au cours de cette nuit de lecture que Blob découvre à son tour les puissants pouvoirs de Dame Nature. Au fil de sa lecture, il commence à élaborer une hypothèse dans le cadre de son enquête. Celle-ci lui semble toutefois tellement farfelue qu’il ne sait pas à qui en parler et encore moins comment l’aborder avec le Procureur ou avec les chercheurs et médecins. Son équipe risque fort de lui exploser de rire au nez et de penser qu’il leur raconte des salades.

Afin d’y voir plus clair, il décide de prendre contact avec l’auteur Peter W . Celui-ci confirme les découvertes insoupçonnées qu’il fait chaque jour sur le règne végétal. Intrigué par cette enquête, Peter W. accepte même de venir sur place et Blob réussit à le présenter à son équipe d’enquêteurs sans que cela ne tourne à la dérision. De fil en aiguille, on reprend l’enquête sous un autre angle. De nouvelles analyses toxicologiques sont en cours. De nouvelles hypothèses jaillissent alors. Sur les conseils avisés de Peter W., les corps des jardiniers comateux sont une nouvelle fois inspectés à la loupe. Les proches sont de nouveau auditionnés et tout le monde accepte de faire visiter les jardins à Peter W.

Celui-ci étudie scrupuleusement les diverses espèces végétales présentent dans les différents jardins concernés par l’enquête. Il est subjugué par toutes les fleurs et les légumes qu’il découvre dans ces petits jardins de la Baie de Retz. Ici des concombres, là de merveilleuses fleurs de courgette, un peu plus loin des pousses de céleri puis des fleurs de Dalhias ou encore des cucurbitacées bien dodues. Dame nature est généreuse et se pare de mille atours pour subjuguer ses jardiniers. Nul ne pourrait imaginer que Dame Nature a aussi ses défenses…

Au final, les médecins, aiguillés dans leurs recherches par Peter et Blob, découvrent à leur tour, que sont apparus, sur certaines parties du corps des 40 jardiniers, de minuscules formes d’érythèmes quasiment invisibles à l’œil nu. Cela ressemble aux œdèmes que l’on trouve parfois sur les muqueuses ou aux brûlures causées par des plantes irritantes, de la famille des aracées. Ces marques apparaissent quand certaines plantes relâchent sur des humains de l’oxalate de calcium. Les feuilles de radis, de navets présentent des épines microscopiques qui peuvent déclencher ce type d’érythème. Dans le cas présent, l’érythème est demeuré pratiquement invisible à l’examen médical et la toxicité de l’oxalate de calcium est décuplée. C’est une véritable énigme pour l’équipe médicale qui n’a jamais encore jamais eu à traiter ce type de problème.

Au fil des mois, les travaux menés par des équipes de chercheur de toute l’Europe, permettent enfin à Blob d’élucider le mystère de la révolte des légumes contre les jardiniers utilisant des produits toxiques dans leur jardin. Il s’agit d’une réaction élaborée qui consiste à envoyer, par le biais de microscopiques épines, un gel toxique lorsqu’il y a un risque potentiel d’une attaque de produits chimiques. La nature se défend ainsi contre les engrais et les pesticides. Les insectes peuvent à nouveau butiner en toute sécurité, effectuer leur magnifique travail de pollinisation sans craindre une attaque de pesticide.

Peter W. travaille désormais d’arrache-pied sur ses nouvelles découvertes sur les radis, navets et rutabagas. Il a enfin réussi à comprendre comment ceux-ci communiquent entre eux et comment ils ont mis au point une sorte d’oxalate beaucoup plus toxique à travers leurs petites épines dès qu’un produit toxique est présent dans le jardin. Une nouvelle forme d’auto-défense du règne végétal à l’égard des produits toxiques à l’encontre de la nature et une belle victoire pour la cause environnementale ! Les scientifiques peuvent de leur côté, élaborer un remède antidote et c’est ainsi que par un beau matin du mois d’août, les 40 jardiniers émergent enfin de leur coma.

Aux terrasses des cafés, à la boulangerie du coin, chez le marchand de primeurs, sur les marchés, on ne parle plus que de cette affaire et les propos vont bon train pour faire reculer l’emprise des lobbies des produits chimiques dans le domaine du jardinage. Cette crise écologique localisée a finalement donné de la visibilité à l’action des maires contre les pesticides et de nombreux villages entrent désormais en transition. L’État et les lobbies ne peuvent plus s’attaquer à ces maires visionnaires qui ont maintenant acquis le soutien de l’ensemble des citoyens.

Par Nathalie

4 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Avatar de Hélène DENIZE Hélène DENIZE dit :

    Belle nouvelle ☺️ En fait, c’est un petit recueil de nouvelles que vous devriez écrire avec JY ☺️ Encore un nouveau « Truc »!

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de nathindia nathindia dit :

      Tu feras les illustrations…. Emmanuel fera la musique à écouter en lisant. Et Amal fera les boissons à déguster au final 😅

      J’aime

  2. Avatar de amal amal dit :

    « baba » en lisant cette histoire des « 40 » jardiniers,
    Merci Nathalie, encore une fois j’ai appris plein de choses, après lecture je ne peux m’empêcher de répéter ce slogan : « végétaux de tous les pays unissez-vous ! »

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire