English version : https://nathjy.travel.blog/2020/09/21/alchemy-between-the-lion-of-sri-lanka-and-the-eagle-of-mali/

Les portes de son bureau à peine fermées, elle descend quatre à quatre les escaliers vers la sortie et concocte déjà dans sa tête une petite surprise pour la soirée. C’est vendredi et le week-end débutera dès qu’elle aura franchi les portes du bâtiment qui héberge le siège de sa boîte en plein cœur de Paris.

Quelques minutes plus tard, elle arrive à l’appartement et le trouve en train de réviser ses cours d’italien, allongé sur le canapé. « Tiens j’ai une surprise pour ce soir, je t’invite au resto ». En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, on les retrouve chevauchant leurs fidèles destriers à pédale pour descendre l’avenue Denfert-Rochereau vers la Seine. Bref passage par le Pont de la Concorde, sur lequel ils croisent peu de monde, ils découvrent les aménagements pour les cyclistes. Après avoir contourné le Jeu de Paume à l’angle du Jardin des Tuileries, ils empruntent la rue St Florentin. Même dans cette rue un peu « chicos » de Paris, les terrasses ont pris le pas sur la chaussée. Ils débouchent alors sur le parvis de la Madeleine et prennent la direction de St Lazare. Rue Tronchet, puis rue du havre, c’est fou ce qu’ils croisent comme cyclistes en ces derniers jours d’été. Juste en face du lycée Condorcet, ils trouvent un emplacement pour attacher leurs vélos, devant l’entrée du RER. « Ferme les yeux même si tu as deviné où l’on va dîner ? ».

Ils s’enfilent dans la rue de l’Isly, slaloment entre les terrasses bondées et atterrissent enfin au… au…au… là où vécut Victor Hugo, au Certa. Le serveur tout de noir vêtu et qui les connaît bien, les accueille chaleureusement comme toujours ici. La terrasse est prise d’assaut. Pas de problème, il leur propose de les installer dans la deuxième salle.

Depuis leur table, ils ont une vue directe sur la cuisine, « le Saint des Saints ».

Là où la rencontre entre un Lion du Sri Lanka et un Aigle du Mali fait des merveilles. Le chef, originaire du Sri Lanka, s’active derrière ses dessertes. Attention, ici on est super concentrés. Les couteaux et mandolines sont bien affutés. C’est la valse des instruments de cuisine dans une superbe maîtrise. Le chef et son second leur concoctent un sublime wok de légumes. Leurs mains expertes savent choisir les fruits et légumes à point, tout en décorant les assiettes et en surveillant du coin de l’œil la cuisson des plats. Tous les sens sont aux aguets pour que les mets soient cuits juste comme il sied.

En cuisine, malgré le rush, tout est harmonieux et l’équipe est bien rodée. Chacun maîtrise son rôle et rien n’est laissé au hasard. Un coup d’œil par-ci, un geste bien précis par-là. Les plats sont dressés de main de maître avec élégance et amour.

C’est sans doute cette petite touche d’amour qui fait toute la différence ici et qui exhale tant de saveurs. Leur plat est servi : une cuisson à la perfection pour révéler tout le moelleux des champignons et le croquant des navets et des haricots. Les voilà embarqués dans un autre monde, celui des saveurs et des senteurs. Merci Chef ! A plusieurs reprises, serveuse, serveurs et le chef en personne s’assurent que tout va bien. Mais oui bien sûr que tout va bien. La musique est bonne et le week-end commence bien. La transition entre la semaine de travail et le charme du week-end s’est passée comme un éclair. Il est temps d’aller flâner dans Paris avant de rentrer dans le 14^ème.

Après un bref passage devant l’Opéra puis devant la Comédie Française, alors qu’ils s’apprêtent à prendre le passage du Carrousel, un gros 4×4 passe précipitamment devant eux, en leur coupant la route, pour ne pas ralentir dans l’étroit passage. Besoin de s’affirmer, de polluer un peu plus, de montrer un je ne sais quoi de supériorité sans doute ? Ils effectuent un petit arrêt devant la pyramide du Louvre qui s’illumine de mille reflets sous les rayons du soleil couchant. La luminosité est magnifique.

Ils traversent ensuite la place du Carrousel, puis empruntent le Pont du Carrousel pour voir le soleil se coucher au-dessus du Pont Royal juste derrière le Grand-Palais. Au-dessus du Musée d’Orsay, la Tour Eiffel émet des signaux lumineux pour qu’on ne l’oublie pas.

En se tournant de l’autre côté, à travers le Pont des Arts, ils admirent les lumières du Pont Neuf et du square du Vert Galant à la pointe de l’Île de la Cité. Quelques rares bateaux ou péniches sillonnent la Seine qui ondule et frémit ensuite pendant quelques minutes à la suite de leur passage.

Les luminaires des quais se reflètent dans la Seine devant le Musée d’Orsay.

Un instant, on pourrait croire que les tableaux se sont évadés du Musée pour revivre en live sur les quais. Une petite escapade sur le Pont des Arts leur permet de profiter de la vue sur le parvis de l’Institut de France.

Ils empruntent enfin le Quai de Conti et contournent le magnifique bâtiment par la droite sur le Quai Malaquais. Tout en pédalant pour entrer dans la rue de Seine, leur attention est soudain happée par deux grandes affiches dressées sur la façade de l’Académie des Beaux-Arts.

Demi-tour pour regarder cela de plus près. Mais oui, ils n’ont pas rêvé, c’est bien une expo sur « Le photographe » d’Emmanuel Guibert. Elle a une véritable passion pour ces trois artistes : Emmanuel Guibert pour ses dessins de BD, Fréderic Lemercier le coloriste avec qui il travaille et Didier Lefèvre le célèbre photographe. La voilà qui se retrouve à photographier le photographe. Son imagination est déjà partie aux confins de l’Afghanistan et du Pakistan. C’est décidé, ils seront là demain pour s’évader grâce aux sublimes photos et aux planches de BD.  Après cette petite virée, un arrêt s’impose chez le célèbre glacier de la rue de Seine pour vérifier, de retour d’Italie, si les glaces sont aussi bonnes ici qu’au bord du lac de Bolsena.

Par Nathalie