De Nayalpul à Gandruk en compagnie de Prem et de Ram
Partir en trek, c’est un peu comme s’offrir un voyage au cœur du voyage. Cela procure les mêmes sensations que celles qui précèdent les grands départs : effervescence, excitation, vibration, doutes, inquiétudes, interrogations, appréhensions tentées de jubilation. C’est à nouveau l’occasion de ressentir ce détonnant mélange d’émotions, celui que ressent toute personne avant de s’envoler vers l’inconnu qui fait toujours un peu peur mais qui attire tant.
-Avons-nous bien pris le juste nécessaire ? Pour le froid, le chaud, la pluie ? Est-ce que je vais pouvoir me passer de ceci et de cela ? Qui allons-nous rencontrer ? Est-ce que les paysages seront vraiment aussi beaux que l’on nous l’a prédit ? Comment va être le temps ? Est-ce que cela va vraiment monter aussi dur que nous l’avons lu ? Serai-je à la hauteur de ce projet complètement fou ? Et puis soudain, c’est le départ : le moment est venu de lâcher prise. Il ne reste alors que la joie profonde, l’émotion vive, le tressaillement des pieds qui se mettent en route, prêts à découvrir une nouvelle fois un coin du vaste de monde et ses habitants. Le cerveau se branche alors sur les ondes positives de la découverte et délaisse les ruminations d’avant le départ sur les passeports, les e-visa et j’en passe… Tout est joué, les dés sont lancés, c’est parti pour l’aventure !

La veille de notre départ, nous avons reçu la visite de Prem, notre super guide qui est venu nous présenter son neveu Ram. C’est en leur compagnie que nous allons passer les prochains jours et réaliser notre rêve un peu fou. RDV nous est donné pour le matin dès l’aube. D’un abord jovial et blagueur, Prem respire la joie de vivre. Ram, lui, c’est une certaine discrétion teintée de paix. C’est donc un binôme fait de deux personnes différentes mais complémentaires qui va nous aider à relever le défi.

Nous démarrons notre marche à Nayapul. A cet endroit, la piste est vraiment accessible à tous, c’est plutôt rassurant. Petit arrêt pour nos permis de trekking dans le massif des Annapurna.

Un petit coup de tampon et nous voici autorisés à pénétrer dans la zone de conservation des Annapurna. Pour qui en a rêvé depuis des années, cela a quelque chose de vraiment émouvant.

Nous prenons le temps d’une pause photo devant le panneau qui nous souhaite la bienvenue dans la zone ACA.

Tout sourire, Ram prend la pose avec nous ; nous commençons à former une belle équipe !

Nous allons maintenant cheminer tranquillement en pleine nature laissant loin derrière nous les bruits et les tracas de la civilisation. Cette première partie nous offre déjà une vraie déconnexion. C’est très apaisant et cela nous donne l’assurance que ces quelques jours vont bien se passer.

Nous passons dans des coins très colorés où virevoltent ça et là les incontournables drapeaux de prière tibétains. Même dans les coins les plus perdus, nous serons toujours portés par ces battements au vent qui sont autant de prières. Il fait déjà très chaud et il est temps de quitter nos vestes. Nous faisons halte à l’ombre d’un régime de bananes. La nature est magnifique.

Dans le lointain, nous distinguons le Machhapuchhare ou Fish Tail qui doit son nom à son sommet en forme de queue de poisson.

Le voici qui se dresse devant nous dans toute sa majestuosité comme le but très désirable à atteindre. Mais la montagne est sacrée, préservée des humains, interdite aux trekkeurs, grimpeurs et autres passionnés de montagne… ce qui la rend encore plus fascinante.

Nous croisons tout au long de notre marche, de charmantes petites gargotes…

…dans lesquelles la vaisselle est toujours bien rangée et bien mise en valeur. Je suis très sensible à ces touches d’attention. Prem s’arrête ici ou là pour échanger quelques mots, tout à la joie de croiser des personnes qu’il n’a pas vues depuis plusieurs années en raison de l’épidémie de Covid. La montagne et ses habitants semblent n’avoir aucun secret pour lui.

Nouvel arrêt pour la pause déjeuner. C’est chez une de ses amies. La maison est située au bord de la rivière Modi Khola. Installés à table nous découvrons l’environnement tout en dégustant une bonne tasse de gingembre, citron et miel.

Pendant ce temps la cuisinière s’active dans le jardin à cueillir les ingrédients de notre repas comme ce chou bien dodu qui sera à l’honneur pour le Dal-bhat…

…et du gingembre pour relever le plat. Ici comme partout ailleurs tout au long du trek, nous serons épatés par la fraîcheur des aliments, souvent tout juste cueillis avant d’être cuisinés. Pas étonnant que le Dal-bhat ait la réputation de procurer 24 heures de « power » comme le disent nos amis Népalais.

Et, oui comme vous pouvez le constater : une bonne tasse de gingembre et un Dal-bhat, ça remet en forme !

Petit tour d’horizon pour vous faire découvrir ce petit coin de paradis proche de Chandrakot.

Une femme aux vêtements chamarrés s’active dans le lit de la rivière.

Au-dessus, un pont suspendu permet de traverser la Modi Khola. Même s’il fait chaud et que nous avons besoin de nous reposer, la curiosité l’emporte et nous donne l’élan pour aller découvrir ce qu’il y a de l’autre côté.

Un pêcheur lance ses filets sur les eaux d’un beau bleu turquoise.

En se déployant, le filet crée un superbe arc-en-ciel au-dessus des eaux bleutées.

Mais après avoir savouré le délicieux Dal-bhat, il est temps de reprendre le chemin et de se lancer à l’assaut des fameux escaliers népalais.

Nous sommes subjugués par les petites maisons traditionnelles qui jalonnent la montagne.

Et allez, ça grimpe encore et encore. Moi qui pensais qu’aller monter une fois ou deux les escaliers de Montmartre cela suffirait pour affronter victorieusement les marches que nous aurions à gravir chaque jour. Et finalement, ce fut bien victorieux… mais pas sans quelques douleurs, courbatures et crampes 🙂 En même temps, pour relever certains défis, avant de se lancer, il ne vaut mieux pas en connaître la difficulté exacte, ni la hauteur… car ce serait le risque de renoncer à l’aventure par manque de confiance en nos capacités… Par contre, il faut de bons guides qui eux savent ! Aventureux, oui, imprudents, non !

Ainsi, pour relever certains défis, il suffit juste d’être entouré des bonnes personnes. Prem fait le bout-en-train, blague, nous devance tout en sachant exactement quand il faut faire des pauses. C’est un vrai guide de montagne, hyper sympa, très drôle mais qui ne s’en laisse pas conter et qui sait nous pousser juste ce qu’il faut pour nous permettre d’atteindre la limite qui nous fera faire ce petit pas de plus dont nous ne nous croyons pas capable et qui nous procurera tant de joie et de fierté. Jean-Yves me connaît si bien qu’il s’apercevra avant moi que je m’essouffle à grimper dans les pas de Prem car, toute concentrée que je suis sur les marches à grimper, j’en oublie de respirer ! Et enfin Ram, le philosophe attentionné qui reste toujours derrière moi et qui me glisse régulièrement la formule magique quand il voit que je commence à trébucher : BISTARE ! Cette fameuse devise de trekkeurs népalais : vas-y doucement l’ami, il n’y a rien qui presse, on a le temps…

A bout de souffle, je suis rouge comme une écrevisse. En me voyant Prem décide que j’ai besoin d’une pause. On s’arrête aux abords d’une ferme. Je demande s’il est possible d’utiliser les toilettes : pas de souci, il suffit de traverser l’étable, de contourner la bufflonne qui ne bougera pas d’un poil et d’ouvrir la porte juste derrière.

Je reprends mon souffle et essaie de ne plus oublier que le Pranayama, c’est la clé de la vie, la clé d’une vie bien équilibrée, paisible qui conserve calme et sérénité, même dans les pires moments… Je retiendrai la leçon pour mon quotidien.

En nous retournant, nous succombons au charme des cultures en espaliers. Nous réalisons à quel point nous sommes chanceux et nous comprenons que nos efforts ne sont pas vains. Quelle beauté, quel charme ces petites maisons disséminées sur le chemin.

Reprenant notre marche, nous apercevons sur un toit des petits bouquets de choux-fleurs qui ont été mis à sécher en prévision de l’hiver.

La vue est de plus en plus majestueuse et nous fait complètement oublier les efforts que la montée exige de nos muscles et de nos articulations. La beauté et le calme nous gagnent en profondeur, c’est une expérience inouïe. La montagne est pleine de vie et nous rencontrons à chaque virage des villageois(es) qui surveillent les troupeaux, qui s’activent dans les champs, qui cultivent, aménagent l’espace exigu entre la montagne et le vide.

Nous sommes en pleine féérie devant tant de beauté.

Les buffles paissent tranquillement dans les prés, ignorant de la beauté environnante.

Le travail des hommes pour créer et entretenir ces terasses-farming nous fascine et nous fait oublier le nombre de marches que nous sommes en train de gravir.

Ce pays est tout simplement magique. D’aucun disent que l’on ne sait pas si le paradis existe mais que par contre le Népal est réel.

Un peu plus loin encore, nous croisons une femme qui tamise les graines de moutarde.

Encore un peu plus loin, une fermière surveille ses buffles.

Curieux, ils viennent voir de plus près ces intrus.

Au loin, nous avons d’abord l’impression de voir un arbre qui se déplace. Serait-ce une de ces hallucinations due à l’altitude ou à la fatigue ?

Mais non, il s’agit d’une femme-sherpa qui récolte du fourrage pour nourrir les animaux.

Prem avance tranquillement tandis que nous croisons un énième convoi de mules. Précieux animaux qui vont chaque jour ravitailler les villages dans les hauteurs. Prem veille avec une attention toute bienveillante à garder notre motivation intacte, à ne pas laisser s’immiscer en nous la moindre parcelle de découragement. Il sait qu’il doit nous mener jusqu’en haut alors il nous réserve de belles surprises et nous laisse le temps de savourer chacune d’elles. Les paysages sont époustouflants et il le sait.

A chaque détour de la montagne, nous sommes heureux de constater ce que nous avons déjà gravi et nous découvrons le cœur emplit de joie, le lieu où nous avons déjeuné… tout tout en contrebas ! Nous espérons alors que nous ne sommes plus très loin de notre but… Prem sourit… Nous avons dû penser trop fort !

Dans le village suivant, nous découvrons une femme entrain de tresser des bambous.

Nous sommes captivés par le travail paisible et par le soin qu’elle met dans son ouvrage.

Nouvelle petite pause juste avant de franchir un pont composé de gros rondins de bois.

Nous dégustons de petites bananes locales ; un régal et un vrai moment de bonheur.

Encore un peu plus haut, alors que nous pensons toucher le ciel et enfin être arrivés au bout du bout du monde, nous croisons une femme et son bébé. Elle est concentrée sur… son téléphone portable. Nous échangeons quelques mots par le biais de nos guides et demandons si elle accepte que nous la prenions en photo tant cette rencontre a quelque chose d’inattendu. Celle-ci nous sourit en nous confiant qu’elle est justement entrain de visionner Tik-Tok. Et dire qu’il nous arrive de ne pas avoir de réseau en plein cœur de Paris… décidément Internet restera toujours un mystère !

Prem nous signale que nous approchons du but. Les paysages sont sublimes.

Il passe un appel ce qui laisse présumer que l’arrivée est (enfin !) proche 🙂

Je suis fière de moi et comblée lorsque je vois d’où nous sommes partis ce midi.

Jean-Yves a le visage qui s’illumine lorsqu’il passe le portique de Ghandruk. C’est notre première destination !

L’émotion est forte, nous sommes heureux et fiers de nous. Une grande part de la réussite est due à notre duo Prem et Ram. Ils ont su nous motiver tout en nous invitant à prendre soin de nous quand c’était nécessaire. Un modèle d’humanité qui fait du bien et qui donne matière à réfléchir sur ce que nous voulons encore changer dans nos vies. C’est une vraie chance d’avoir cheminé ensemble et ce n’est que la première journée.

Après une bonne toilette, un bon Dal-bhat, nous admirons quelques minutes la nuit qui cache désormais la montagne et nous nous affalons sur nos lits car demain le jour se lève à 5 heures et le spectacle promet d’être époustouflant !
La suite dans un prochain article :
https://nathjy.travel.blog/2023/11/04/trek-memorable-sur-le-balcon-des-annapurna-suite/
Par Nathalie et Jean-Yves
Bravo ! Quel beau voyage, s’élever avec les gens du cru.
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