Les petits bonheurs du soir

English version : https://nathjy.travel.blog/2020/06/16/the-little-joys-of-the-evening/

Ce mardi soir fait partie de ces soirées où, une fois sortis de nos boulots respectifs, nous nous retrouvons à l’appart, l’un et l’autre complètement lessivés, par la somme de détresse humaine à laquelle nous avons dû faire face. Nous nous ingénions alors à trouver ensemble ce qui pourra faire tomber la pression ou remonter l’énergie. Chercher à travers les paroles, les passions, les gestes ce qui va nous ressourcer et, recharger comme par magie, nos batteries déchargées. Ces soirs-là, nous avons en réserve quelques petits secrets dans une boîte magique. C’est une boîte qui ré-enchante le monde et qui agit aussi rapidement qu’un baume sur une plaie, et qui vient ainsi à bout des pires tracas de la journée.

Être à l’écoute des misères du quotidien, des injustices, des incompréhensions, déployer toute notre empathie pour sortir du marasme ceux qui ne savent plus trop à qui se raccrocher, savoir dire combien la vie est belle et vaut la peine d’être vécue avec toute la délicatesse que cela requiert, aimer les hommes et ce monde malgré ses noirceurs et ses turpitudes, il n’y a pas à dire, cela consomme une énergie assez colossale et il arrive qu’au terme de la journée, on se sente complétement vidé. Ajoutez à cela, une actualité souvent révoltante voir écœurante, en ce début de XXI ème siècle, et vous voilà vidés de toute sève. Alors, ces soirs-là, nous avons recours à notre boîte à idée magique, celle qui nous rebooste, qui emplit nos imaginaires de sensations uniques, qui nous fait ressentir un profond bien-être. L’un de nos secrets favoris consiste à naviguer dans Paris à la recherche de belles couleurs, de vieilles pierres, de petits coins de charme. Marcher, encore marcher à la découverte des fontaines, des jardins oubliés, et d’un « je ne sais quoi » qui nous ramène à l’instant présent.

Ce soir-là, au terme d’une journée bien épuisante, nous avions en vue un projet bien revigorant. Un projet qui s’était fait attendre tout au long du confinement et pendant quelques semaines encore. Mais depuis dimanche, nous savions qu’Aymeric Assié, le patron du Certa, avait décidé de rouvrir son restaurant et que la réouverture aurait lieu ce mardi soir.

Quoiqu’il arrive au cours de la journée, le Certa est un lieu ressource sur lequel vous pouvez compter. L’accueil y est tellement chaleureux, qu’en quelques minutes vous êtes plongés dans un autre univers et que vous laissez tous vos tracas sur le seuil de la porte. Ici, aucun doute sur l’existence de la bonté humaine, elle transpire de partout Même en plein coup de feu, Aymeric sait vous manifester de l’attention, trouver le petit mot qui va bien et qui ré-enchante le monde. Sa voix de Barry White, son accent de l’Aveyron ou de la Drôme, je ne sais plus très bien, y sont sans doute pour quelque chose. Toujours est-il qu’ici l’ambiance est au beau fixe, même les jours de pluie et que cela fait un bien fou.

Jean-Yves a tenu bon : pas de resto, tant que le Certa n’aura pas ré-ouvert ! Nous avions si souvent atterri là, après des journées difficiles ou pour prendre nos grandes décisions, élaborer des plans sur la comète, que notre premier resto post-confinement ne pouvait avoir lieu qu’à la terrasse du Certa. Il est 18 heures, nous voilà tous les deux de retour à l’appart, un peu exsangues mais bien motivés. Nous optons pour un passage par le Palais Royal et le Jardin des Tuileries. Il est l’heure de partir pour rejoindre le Certa en ce début de soirée. Nous descendons le Boulevard Raspail, puis empruntons ensuite la rue du Bac pour rejoindre les quais de Seine.

Le temps est agréable et Montmartre se détache au loin par-dessus les toitures de la rue de Rivoli. Les passants s’arrêtent sur le quai pour admirer la vue.

Nous traversons le jardin des Tuileries, admirons les statues qui semblent prendre un bain de pelouse.

Une potiche, fièrement dressée au milieu du jardin, défie les hautes façades des rues avoisinantes, depuis des siècles. 

La vue, d’une arche à l’autre, est dégagée et on sent que les parisiens sont heureux de savourer à nouveau ces petits instants si exquis au bord des fontaines. Une fois encore, nous nous réjouissons, en traversant la rue de Rivoli, de voir qu’elle est désormais interdite aux voitures et réservée aux piétons et vélos. Du parvis du Palais Royal à l’Opéra Garnier, nous sommes en pilote automatique. L’envie de retrouver le Certa nous démange et guide nos pas.

Arrivés, nous sommes accueillis par un grand serveur, tout de noir vêtu, masque y compris, virevoltant d’une table à l’autre, son plateau à la main. Il est tout concentré sur son service, attentif à tout et à tous pour que chacun passe ici une bonne soirée. Fidèle au poste, Aymeric se tient derrière son bar. Les retrouvailles sont sympas et font chaud au cœur après ces longs mois de confinement. En deux minutes, il nous installe en terrasse et la magie opère. Un Schweppes et un jus de tomate, un oiseau qui prend son envol depuis mon verre, ce sont toutes ces petites attentions qui révèlent toute la saveur de ces instants partagés du quotidien.

Aymeric sait déjà ce que nous allons prendre : « le fameux Fish and Chips », servi avec une salade et une sauce tartare « à tomber ». Les filets de poisson sont dressés dans un petit cornet de papier qui rappelle les journaux anglais dans lesquels on les servait autrefois, les frites se tiennent bien droites dans leur petit panier prêtes à plonger dans la sauce tartare. Un régal, tant pour la vue que pour nos papilles aiguisées par l’attente et un véritable contentement pour nos estomacs creusés par la randonnée parisienne. Un repas au Certa, cela se mérite !

Derrière son masque –gestes barrières obligent- Aymeric a gardé son éternel sourire , sa bonne humeur déborde et est visible au niveau des yeux. Il prend le temps de tailler une petite bavette : partager sur l’humeur du monde, se raconter nos confinements, échanger sur le monde d’après, sur les interrogations qui nous anime… La rue est calme, on oublie tout, les discussions vont bon train et les clients sont heureux.

Avant de rejoindre nos hauteurs du XIV ème, nous ne manquons pas de nous partager une brioche perdue accompagnée d’une boule de glace au caramel au beurre salé. Elle est servie sur une ardoise et nos couverts se tiennent prêts à partir à l’assaut de ce met préparé avec amour. C’est un vrai bonheur !

Décidément, cette soirée est vraiment réussie. En chemin, sur le retour, nous apprécions les couleurs déployées par le soleil arasant. Il vient lécher les façades du quai Voltaire et joue au travers des jets d’eau du jardin des Tuileries.

Des pigeons s’égaillent près des ruches et Jean-Yves joue à cache-cache. Sur le Pont Royal, nous prenons le temps de rêver au-dessus de la Seine. Paris s’enflamme de mille couleurs et se révèle dans toute sa splendeur, une nouvelle fois, nous tombons sous le charme.

Les rayons du soleil s’amusent sur les panneaux de signalisation, destinés à la navigation fluviale, accrochés sur le pont du Carrousel. Ils illuminent simultanément la coupole de l’Institut de France. Au loin, une immense grue domine les tours de Notre-Dame et surplombe l’île de la Cité. Nous voilà prêts à tomber dans les bras de Morphée, nos batteries émotionnelles sont rechargées pour affronter les maux du quotidien de nos patients et agents en difficultés.

Par Nathalie

PS: N’hésitez pas à nous laisser un commentaire, tout en bas de cette page. Cela nous aidera à mieux vous connaître…

4 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Avatar de Lamotte Aurore Lamotte Aurore dit :

    Un peu dans ce même état d’automne émotionnel ce soir…
    Ressourcée rien qu’à la lecture de ce récit !

    Merci… Mais maintenant je veux y goûter en vrai la prochaine fois. 😉

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  2. La prochaine fois que nous viendrons à la capitale, nous irions volontiers déguster ces délicieuses recette au « Certo »
    Ça nous donne la nostalgie de Paris et l’envie de retrouver les parisiens!
    Bravo pour tous ces détails qui font la beauté de cette écriture.

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  3. Avatar de Amal Amal dit :

    Comme si j’avais parcouru Paris et avait goûté à ces « frites bien droites prêtes à plonger dans la sauce » comme des championnes de natation artistique, j’adore…

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  4. Avatar de Le Certa Le Certa dit :

    Un très beau récit, lu à l’instant, au comptoir du Certa, avec Jurgen et Frédéric le barman; nous nous sommes régalés.
    Continue à nous raconter et nous faire vivre ces petits moment de vie partagés avec Jean Yves qui de se surcroît, est un super photographe!
    Ne changez rien, et à très bientôt nous l’espérons.
    Aymeric, Jurgen et Frédéric (une toute petite partie de l’équipe du Certa😊)

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