English version : https://nathjy.travel.blog/2020/09/13/mission-pasta-for-the-franco-italian-resistance/
Versione italiana : https://nathjy.travel.blog/2020/09/13/missione-pasta-per-la-resistenza-franco-italiana/

Alors qu’à nos oreilles résonnent encore les notes de la célèbre musique de la série « Mission impossible », nous quittons l’Orto della fate avec le cœur lourd mais heureux d’effectuer une mission importante pour la résistance franco-italienne. Ce matin, il a fallu réussir à faire tenir la marchandise dans la valise tout en lui donnant l’apparence d’une valise de touriste lambda. Enfin, tout est bien rangé, bien aligné et rien ne peut éveiller les soupçons, sauf peut-être son poids. Cette valise porte en elle les nouvelles armes du combat pour la planète et peut-être même le germe d’une révolution pour un monde meilleur. Il s’agit là d’une sorte de dynamite bien subversive et il nous appartient de lui faire traverser la frontière entre l’Italie et la France. Son nom : « Orapasta ». Tout cela pour des pâtes me direz-vous ! Oui, mais quelles pâtes. Des pâtes qui ont le bon goût d’avoir du goût, le goût perdu des céréales ancestrales. Des pâtes qui témoignent d’une belle réussite, qui ne rendent pas malade et qui donnent plutôt la pêche.

1ère étape : déposer la valise à la consigne du bar de la gare d’Orvieto. Même s’il faut remplir des papiers et confier nos papiers d’identité, le préposé ne nous demande pas ce que contient la valise. Ouf, c’est déjà une première étape de franchie. Nous pouvons nous éloigner le temps d’une petite balade dans la vieille ville. Avec notre peau halée et notre air reposé, nous avons l’air de deux vrais touristes et personne ne peut imaginer que notre valise contienne autre chose que des maillots de bain et des bouquins. Au retour, aucun souci pour récupérer la valise, tout se déroule selon le plan prévu par Giulia.

2ème étape : le train attendu pour une heure du matin est maintenant annoncé avec une heure de retard. Nous ne devons surtout pas nous endormir sur le quai de la gare car le risque est grand de nous faire dérober la valise. Quelques personnes passent sur le quai. Un groupe de jeunes descend d’un train en provenance de Roma. Ils se précipitent dans les bras d’un vieil homme qui les attend depuis une vingtaine de minutes. Sur un banc un peu plus loin, un sdf, distrait par son chien, essaye de trouver le sommeil. A bord d’une locomotive de travaux, un groupe d’hommes s’engueulent copieusement, puis tout redevient calme et silencieux.

La lune se lève derrière les caténaires. De nombreux trains passent et nous maintiennent éveillés tant ils font de vent et de bruit à leur passage.

Nous sommes étonnés de constater le nombre d’automobiles trimballées dans un sens, puis dans l’autre. Que voulez-vous c’est l’Europe qui veut cela…

Quelques minutes avant 2 heures, notre train entre enfin en gare. Nous nous empressons de trouver la voiture n° 2. Le contrôleur nous attend en haut du marche-pied pour nous aider à monter à bord. C’est facile, il dispose de nos noms sur sa tablette et nous sommes les deux seuls voyageurs à embarquer à cette heure avancée de la nuit. Nous nous empressons de trouver notre compartiment sans discuter pour ne pas éveiller son attention. Covid oblige, cela tombe bien, nous sommes seuls dans notre compartiment.
3ème étape : placer la valise au fond du compartiment pour faire rempart, avec nos deux corps allongés entre la porte et elle, au cas où un cambrioleur s’invite à bord. Réveil soudain au bout de quelques heures : nous sommes arrivés à Milan Garibaldi. Les yeux à peine ouverts, nous vérifions par la fenêtre qu’il s’agit de la bonne gare et qu’il n’y a rien de suspect sur le quai. Nous descendons avec l’air le plus naturel possible. Un peu plus loin dans la gare, des policiers et des militaires sont affairés à contrôler les masques. Tant mieux pour nos pâtes.


Nous avons le temps d’aller prendre un petit-déjeuner à l’extérieur de la gare. C’est une plongée brève et violente dans le monde ultra-moderne. Heureusement que les pâtes dorment bien tranquillement au fond de la valise. Seuls quelques anciens tramways nous renvoient à une époque où les villes étaient encore à taille humaine.


4ème et dernière étape : c’est la plus risquée du trajet. Voici venu l’heure de monter à bord du TGV « Milano-Parigi », celui qui nous fera traverser la frontière. Les contrôles s’intensifient. Nos dirigeants ont beau nous vanter les mérites de la Grande Europe et l’ouverture des frontières dans l’espace Schengen, on n’en voit plutôt les effets négatifs. Contrôle des papiers, puis contrôle des billets, puis contrôle des masques… les bagages n’intéressent vraiment plus.



Peu après Milan, le TGV fend la plaine cultivée en rizières. Nous constatons qu’effectivement il existe une véritable industrie du riz en Italie. D’anciennes exploitations sont abandonnées au profit de silos industriels. Il se dit que de nombreux italiens sont devenus intolérants au gluten à force de consommer du blé tellement modifié en vue de son utilisation industrielle. Ils se tournent alors vers la consommation du riz. Ce n’est vraiment pas le moment d’ouvrir la valise tant le risque de déclencher une émeute est réel en ces contrées.

Subitement le train s’arrête. Nous apercevons, l’un et l’autre, de très nombreux policiers tout autour du train et sur le quai. Nos cœurs s’emballent. Cette fois, on est fait, c’est certain. Contrôle d’identité, papiers s’il vous plaît. Toujours aucun intérêt pour les bagages. Il s’agit manifestement de vérifier qu’aucun migrant ne franchisse la frontière illégalement. Les toilettes sont contrôlées avec rigueur et les papiers de l’un de nos voisins à la peau de couleur noire sont épluchés avec intensité. Encore un de ces nombreux mérites vantés de la Grande Europe : il appartient désormais aux pays qui possèdent une ouverture sur la Méditerranée de gérer seuls l’afflux de réfugiés climatiques qui abordent leurs côtes après des voyages interminables, à bord d’embarcations tellement précaires que nombre d’entre-elle coulent en route.
Nous avons enfin le sentiment d’avoir passé tous les contrôles, mais voilà que les contrôleurs se présentent à nouveau. Il s’agit cette fois-ci d’un contrôle des températures, tout va bien.
Il est maintenant 16H17, nous arrivons Gare de Lyon à Paris, au terme d’un voyage de plus de 15 heures. La valise a franchi tous les contrôles à bord du train et les célèbres « Orapasta » vont pouvoir conquérir Paris en ravissant les cœurs et les papilles de ceux à qui elles sont destinées. Nous nous fondons discrètement l’un et l’autre dans la foule des départs et des arrivées.




En sortant, nous effectuons un petit passage devant Bercy (le non moins célèbre Ministère des finances et de la relance) juste pour le fun. Et si finalement, nos deux fées avaient raison et que ces pâtes au blé ancestral soient l’arme non-violente qui va redresser le monde ?
Par Nathalie
Un vrai roman policier !!!les pâtes sont de vraies meurtrières !!!une vraie tuerie vous avez du vous régaler !je m inviterai bien !!
J’aimeAimé par 1 personne
Mine de rien JY entrain de lire un livre avec le tee-shirt « souriez » Hahaha… Courageuse traversée !!!
J’aimeAimé par 1 personne
Nous avons vraiment envie de les goûter ces pâtes ancestrales mais il faut les garder pour faire votre pub,
C’est bien, mais tu n’aurais pas par hasard récupéré des gènes de ton grand-père, Lucien Polle qui a passé sa vie à rechercher des anciennes et des anciens fruits pour les envoyer à une maison,( je crois bien qu’e elle était Belge) pour les faire revenir sur les marchés. C’était un homme heureux quand il apprenait que ses efforts avaient marché.
Bravo, c’est succulent le texte, comme les pâtes bien sûr!
J’aimeAimé par 1 personne