English version : https://nathjy.travel.blog/2020/07/06/wanna-write/
Dans le rue de la Tombe Issoire, il y a le Comptoir des Catacombes, où il fait bon se désaltérer en terrasse en été ou déguster une bonne soupe, à l’intérieur, tout en regardant passé les passants bien emmaillotés dans leurs manteaux en hiver.
Il y a le Cours des Halles « le Familial » et son bel étal de fruits et légumes.
Il y a Christian, le fleuriste aux belles compositions, là où ça sent bon le lys et la rose.
Il y a « Rénove et Tradition », le restaurateur de meubles, là où ça sent bon la cire d’abeille et la vie d’un autre siècle.
Si l’on remonte la rue un peu plus loin, en allant vers le Jardin d’Isoré, là où des jeunes s’amusent en partageant une bière, on passe aussi devant le Jugurtha, là où ça sent bon les épices et les aromates de Kabylie.

Et puis, il y a le numéro 62 de la rue de la Tombe Issoire. Tout d’abord pizzeria, puis local à vendre, le 62 s’est transformé en un été. La déco a changé du tout au tout et a attiré mon attention. C’était l’été 2019.




Un nouveau logo sur la porte, une devanture moderne, sobre et classique à la fois. Quelques jours plus tard, en rentrant du travail, je croise sur le pas de la porte, une petite table, un cactus, un pot à crayon et quelques flyers. Il pleut quelques gouttes mais la personne à l’intérieur n’a pas jugé nécessaire de se précipiter pour tout ranger. Sur le flyer, des activités sont énumérées : écriture créative, chant, guitare, expression orale.

Les autres soirs, en rentrant du travail, il y a un je ne sais quoi qui attire mon regard vers cette boutique toute de gris vêtue. Une touche esthétique, une harmonie, bref l’envie d’entrer me démange.
Le vendredi soir, de retour, un peu lessivée par une semaine bien chargée au niveau professionnel, je saisis machinalement un petit flyer posé sur la table. Pourquoi ? Je n’en sais rien, peut-être tout simplement parce qu’il est beau, apaisant, simple, tentant. Sur les derniers mètres qui me séparent des retrouvailles avec mon bien-aimé, je m’extrais du brouhaha de l’Avenue René Coty, en me plongeant dans la lecture du flyer.
L’Atelier 62 nous invite à une séance d’écriture créative gratuite, juste pour découvrir, ce dimanche à 16h.
Comment vais-je convaincre Jean-Yves d’aller passer deux heures à l’Atelier au lieu d’une super ballade initialement prévue. En deux mots : «j’ai envie … », avec le flyer, en le faisant passer devant le 62 de la rue de la Tombe Issoire. Voilà, c’est dans la poche et je ne sais pas pourquoi mais je me sens toute revigorée. C’est comme un flash-back à mes années d’étudiante. Après une sérieuse attirance pour le littéraire, j’avais fini par bifurquer vers le social…

Tout n’est pas gagné, car ce dimanche à 15h45 Jean-Yves est toujours dans les bras de Morphée, aux prises avec une sieste récupératrice. Dilemme…le réveiller, abandonner cette idée fugace, sortie d’on ne sait où ? L’envie est tenace, impérieuse alors tant pis pour le repos du guerrier, je pars à l’assaut et réussis à le réveiller.
«Mon chéri, c’est l’heure… tu as bien dormi ?» « Quoi ? » « Tu sais, l’Atelier, tu m’avais dit que … »
« Hum » -« Tu sais le flyer, ça vaut peut-être le coup ? » « Bof » « Tu sais, j’ai envie… » « Ah, ok, bon on y va, je me lève » Un coup de brosse sur les cheveux, un coup de flotte sur le visage, le voilà réveillé et nous voilà dévalant les escaliers précipitamment.
Arrivés rue de la Tombe Issoire avec une ou deux minutes d’avance, nous découvrons la porte de l’Atelier entrouverte. En pénétrant dans ce lieu inattendu, nous sommes saisis par une bonne odeur de tapis de coco.



Mon regard est attiré par une vieille Remington posée sur une tablette. Autour d’une grande table, deux personnes attendent. Daphné, la fondatrice de l’Atelier, celle qui enseigne l’écriture créative, nous accueille chaleureusement. Sur la table, quelques cookies tout juste sortis du four, du papier, des crayons. Cela commence bien et les personnes ont l’air bien sympathiques. On commence par jouer avec nos stylos pour délier l’écriture et laisser libre cours à nos mains créatives. Ensuite, durant deux heures, que nous ne verrons pas passer, nous allons jouer avec les mots et les émotions. Je me souviens que la semaine de travail avait eu son lot d’émotions et je parle d’enfer, de feu, j’exprime la violence ressentie et cela fait du bien. Ici pas de compétition, tout résonne juste et a sa propre valeur. Il est aussi grisant de partager son écrit devant les autres que de découvrir et de se laisser emporter par ceux des autres. Nos voix, nos mots résonnent dans ce petit havre de paix, en harmonie les uns avec les autres.

Daphné nous guide sans contrainte et nous avançons tous ensemble. Alors comme vous vous en doutez, il y a eu ce dimanche de septembre et il y en a eu bien d’autres, toujours attendus avec impatience. Des dimanches pluvieux, venteux, des dimanches de départ en Inde, où nous étions venus en avance avec nos valises, mais que nous n’aurions ratés pour rien au monde. Il y a eu des dimanches d’écriture confinée, en visio sur Skype et c’était bon de se retrouver et de pouvoir coucher sur le papier, sous la houlette de Daphné, nos ressentis, nos vécus tout à la fois similaires et différents. Daphné nous a fait voguer, tout au long de l’année à travers les concepts d’écriture : l’Incipit, les plans, les personnages, les récits polyphoniques… On a décrit des photos aimées tirées de notre répertoire et des photos inconnues issues du répertoire de Daphné, et on s’est bien amusé. On a produit des narrations, exprimé des émotions, posé des réflexions, partagé des moments de notre histoire, donné chair à des personnages, animé des couleurs, donné du sens à des insignifiants. On s’est laissé emporter par nos imaginaires et on a laissé s’exprimer nos sensibilités. Cela nous a enrichis, libérés, épanouis. Il y a eu un dimanche, deux dimanches, des dimanches et un tourbillon de plaisir. Et me voici en ce début d’été, attendant la rentrée avec la même impatience que celle que j’éprouvais lors des rentrées des classes au temps de mes 15 ans.
Par Nathalie
Si vous voulez découvrir comment Jean-Yves a vécu ce même évènement : https://nathjy.travel.blog/2020/07/05/ma-femme-a-une-nouvelle-envie-participer-a-un-atelier-decriture/