English version : https://nathjy.travel.blog/2020/07/06/my-wife-has-a-new-desire-to-participate-in-a-writing-workshop/
Pour mieux profiter de cet article, vous devriez lire celui-ci d’abord, c’est la version de Nathalie : https://nathjy.travel.blog/2020/07/05/envie-decrire/






C’était à la rentrée 2019, et la voici venir vers moi, tout sourire et, en apparence, dans le plus grand calme, mais en réalité toute excitée. Cela fait plus de 10 ans que nous vivons ensemble, je commence à la connaître.
-Tu te souviens du truc que nous avons vu dans la rue de la Tombe Issoire, en face du Comptoir des catacombes ?
Avec elle, il faut bien parler le « truc », car c’est un mot qui revient souvent…
-Oui, je me souviens bien du feu tricolore qui effectivement est juste en face… à moins que tu veuilles me parler de la poubelle… ou de la rambarde… à moins qu’il ne s’agisse du passage piéton…
-Mais non, tu vois bien de quoi je veux te parler, je t’en ai parlé hier !
-Non.
-Tu perds vraiment la mémoire, c’est incroyable !
Là, elle marque un point, car si effectivement pour elle il y a beaucoup de choses qui répondent au nom de « truc », en ce qui me concerne, j’oublie vite et beaucoup.
-Je te parle du cours d’écriture, dans la boutique qui s’appelle l’Atelier 66… ou 33… ou 22, je ne sais plus.
Un point pour moi, Alzheimer c’est pour tout le monde… mais ces précisions réveillent en moi plus de souvenirs que « truc ».

-L’Atelier 62, oui je vois, la boutique qui vient d’être refaite avec la devanture peinte en noir et la vitrine dépolie qui fait qu’on ne voit rien dedans… et ?
-Et il y a une séance d’atelier d’écriture gratuite demain après-midi, ça te dit toujours d’y aller ?
Alzheimer, quand tu nous tiens…
-Oui, on verra, c’est quand ?
-16h00.
-Ok, comme ça j’aurai le temps de faire la sieste, car la semaine a été crevante, je suis épuisé.
Grand sourire, excitation nettement visible cette fois-ci, elle a obtenu ce qu’elle voulait et s’en va toute guillerette faite le repas de ce samedi midi, et moi, « moi ! », comme disait Jacques Brel, moi je descends les poubelles.
J’étais bien, aucune douleur, aucune pensée, un pur instant de ce que certains philosophes appellent « l’étant », et ce depuis une toute petite éternité quand mon épaule c’est mise à remuer toute seule. Agaçant. Et ça continue. Et elle se met à me parler.
-Faut y aller, sinon on va être en retard.
Ce n’est pas mon épaule. J’aurai dû y penser tout de suite, car elle ne m’a jamais parlé, au contraire de…
-Allez, allez, ça fait deux heures que tu fais la sieste.
Effectivement, une toute petite éternité de béatitude, interrompue pour quoi déjà ?
-On va à l’atelier d’écriture !
-Pourquooooooooiiiiiiiiiiii ?
-Parce que j’ai envie !


Là, une lumière rouge se met à clignoter, une alarme stridente retenti, mes circuits se mettent sur réactivation urgence pour situation critique… j’ai dû promettre un « truc » – c’est le cas de le dire ! – et dans ces cas-là, il faut tenir, sinon c’est la fin du monde… en pire. Ne me demandez pas ce qui s’est passé entre mon lit et la table blanche de l’Atelier 62, je n’en n’ai gardé aucun souvenir. Mais nous voici assis, ma moitié à ma droite, une fille du nom d’Annabelle en face, une autre d’un autre nom à sa gauche – Eylem – et en bout de table… Daphné. Mince, on dirait un clone de ma femme, en plus jeune et avec des cheveux noirs. Mais même sourire, même enthousiasme, même énergie… je vais souffrir… qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour sa blonde !
Et puis la séance a commencé. J’ai adoré.
Vivement la suivante.
Par Jean-Yves



bien vu JY le truc du « truc », on la voit venir doucement avec son grand sourire et dire « tu sais le truc dont je t’avais parlé… et ben c bon… » tu te dis oh la la « elle va encore m’entraîner dans un grand chantier » mais une fois qu’on y ait c bizarre on kiffe grave !
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PS : … j’adore les photos !!!
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Absolument délicieux ! Merci Jean-Yves et bravo pour ce texte qui te ressemble tellement ! Comme quoi, il faut toujours écouter sa dulcinée… 😉
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