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Extrait de l’épisode précédent : Porte de l’immeuble de Fred, digicode, encore trois étages et une porte et je pourrai enfin m’étendre et dormir, avec dix kilomètres dans les pattes et une déception au moins aussi longue. Clic clac, porte franchie. Pas de Fred, ou bien il est mort, car tout est silencieux. Je vais pouvoir dormir un peu… enfin peut-être… enfin, si j’arrive à arrêter de penser à elle… bon, la journée de demain va être longue et mes salades vont encore trouver que j’ai une drôle de tête.
Et voilà, Julien est parti, c’est fini, sans un regard en arrière.
« Quelle nouille, c’est moi qui l’ai laissé filer comme une idiote, juste par fierté, pour ne pas lui laisser croire que je serai revenue sur ma décision d’il y a 10 ans maintenant…quoique… ». Lucie pénètre dans la rue Campagne Première.

Le Duc, le célèbre restaurant de fruits de mer est fermé. Le voiturier qu’elle croise tous les soirs depuis quelques jours devant le feu rouge du coin de la rue, a troqué sa tenue de travail contre un jean et un blouson de cuir.

Il enfourche son scooter noir au moment où elle passe devant le parking à 2 roues. Il lui fait un petit signe discret de la main avant de démarrer et de disparaître lui aussi vers le bas du Boulevard Raspail.

Lucie jette un dernier coup d’œil à travers les grilles du Square Yves Klein, elle entraperçoit, sans doute pour la dernière fois, la silhouette de Julien, qui file d’un pas décidé vers le Boulevard Montparnasse. Il est temps pour elle de rentrer se mettre au chaud pour se reposer et faire le bilan de cette journée. Elle a besoin de faire le point sur sa vie, n’est-ce pas pour cela qu’elle est rentrée passer quelques mois en Europe, d’ailleurs ?
Elle fouille dans son grand sac à main à rayures noires et blanches, ce sac qu’elle avait acheté, il y a tout juste 10 ans lors d’un voyage à Florence avec… et bien oui c’était avec Julien.

Elle sort le trousseau de clés confié par son oncle et ouvre la grande porte en fer forgé pour pénétrer au 31 dans le magnifique immeuble à la célèbre façade réalisée au début du XXème siècle par un céramiste connu dont elle oublié le nom. Elle ne saurait dire si elle trouve cette façade, revêtue de carreaux en grès flammé dans les tons beiges, jolie ou non. Elle sait juste qu’elle ressent un grand émoi car cela lui évoque de bons souvenirs d’enfance.

Elle aime les assemblages de fleurs sur le fond de carrelage dans les tons rosés.

Elle est sensible au charme qui se dégage du visage incrusté au-dessus de l’oculus qui domine la porte d’entrée. Cet oculus qui est ceint d’une superbe couronne de roses façonnées avec goût. Lucie gravit les marches jusqu’au deuxième étage.

Elle ouvre la lourde porte en chêne et entre dans le duplex qui domine la ville. L’odeur de cire lui procure tout de suite une sensation de paix et elle retrouve son calme.


Avant de tirer les lourds rideaux en velours rouge, elle admire les derniers soubresauts de la ville qui s’étend à ses pieds. Quelques feux de véhicules ou de circulation scintillent encore ici ou là. Il n’y a plus de piétons ni sur le Boulevard Raspail, ni dans la rue Froidevaux.

A l’entrée du Boulevard Edgar Quinet, elle distingue un couple de SDF qui sont allongés sur les bancs. Son oncle lui a confié que de nombreux SDF sont maintenant installés sur la contre-allée du Boulevard Edgar Quinet.

A deux pas de la gare Montparnasse, ils peuvent ainsi profiter des commodités offertes dans le cimetière du Montparnasse. Il semble aussi que les habitants du quartier se montrent généreux à leur égard, sans doute pour apaiser la voix de la mauvaise conscience qui s’insinue en eux certains soirs.

Le superbe bus à impérial, bien décoré et aménagé en lieu d’accueil de jour stationne désormais le long du cimetière du Montparnasse.

Lucie se glisse dans la cuisine pour se faire une tisane avant de dormir. Elle s’installe sur le canapé bleu, des années 50, celui sur lequel ses parents s’installaient lorsqu’ils venaient dîner chez l’oncle Théodore. Elle finit par s’assoupir quelques instants et décide de monter pour dormir dans un le lit de la chambre gauche de la mezzanine.

Une fois sur le lit, elle se tourne et se retourne au rythme des pensées qui tournent dans sa tête. Ce n’est que vers 5 heures du matin qu’elle réussit enfin, terrassée par la fatigue, à glisser dans un profond sommeil. Sur le coup de 9 heures de demi, elle est réveillée en sursaut par la sonnette du couloir. Le temps qu’elle émerge et qu’elle s’extirpe du lit, il n’y a plus personne lorsqu’elle regarde par le petit œil inséré dans la porte. Elle entrouvre la porte bien qu’elle soit en petite tenue.

Elle découvre un magnifique bouquet de roses pourpres, blanches et bordeaux délicatement posé sur le paillasson. Elle traverse l’appartement en courant et arrive juste à temps pour apercevoir la voiture d’un fleuriste qui s’enfile dans la rue Froidevaux en direction de l’Avenue du Maine.

En glissant le bouquet dans un grand vase, elle s’aperçoit qu’il ne comporte ni mot, ni signe. Elle n’est même pas certaine qu’il lui soit destiné. Elle l’admire, le hume et imagine mille et une choses. Soudain, elle se rappelle avoir entendu Julien dire à Domitille hier soir qu’il reprenait son train à 10h30 à la gare de Lyon. Elle enfile un jean, se glisse dans son petit pull noir, met ses baskets bleues marines pour marcher vite.

Elle descend quatre à quatre les escaliers de l’immeuble, s’engouffre dans la station de métro au coin de la rue. « Aïe, aïe, aïe, on est dimanche et les métros ne circulent sur cette ligne que toutes les dix minutes, pourvu qu’il ne soit pas encore passé » se dit Lucie. Coup de chance, elle entend le souffle de la rame qui pénètre dans la station Raspail. Neuf stations plus loin, elle s’extrait du métro et décide de filer à pied quand elle entend qu’il y a un incident voyageur sur la ligne 14. Elle passe sous la grande arche de l’austère Ministère des Finances, emprunte à vive allure la rue de Bercy. Elle débouche essoufflée dans l’allée de Bercy, slalome entre les SDF encore allongés en ce dimanche matin. Pour une fois qu’ils ne sont pas envahis par les parisiens qui partent à l’aube, en déplacement, vers le Sud Est de la France. Alors qu’elle traverse la chaussée pour entrer par l’entrée souterraine, elle se fait klaxonner par un taxi à qui elle vient de couper la route. Elle lève la tête vers les écrans. Le train pour Mâcon est indiqué au départ du quai 21 dans le Hall numéro 2. Elle peste intérieurement contre cette maudite gare dans laquelle les trains s’étagent sur plusieurs niveaux et qui s’étale dans tous les sens. Heureusement, ce n’est pas la bousculade, la gare est pratiquement vide. Il ne lui reste que 4 malheureuses minutes pour arriver sur le quai. A bout de souffle, elle puise en elle ses dernières forces pour réussir à parcourir les derniers mètres qui la séparent du quai 21. Encore un dernier effort, plus que quelques marches. Exsangue, elle arrive au bout du quai 21 pour voir partir, au loin déjà, les deux feux bien ronds et bien rouges du dernier wagon du train.

Par Nathalie
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Oh bah non 😱 La suite la suite 😅😵
Sinon Nathalie serais tu pressée de retourner en visite dans le sud est de la France 😏
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