English version : https://nathjy.travel.blog/2020/06/23/i-was-20-years-old-i-was-in-lockdown/
Réflexion sur l’incipit de Paul Nizan : »J’avais 20 ans … »

J’avais 20 ans en ce printemps 2020 et j’étais confinée à Paris, comme la plupart de mes amis. Confinée dans une chambre d’étudiant avec pour tout horizon les poubelles de l’immeuble d’en face.
D’aucuns diront que nous avions la chance de disposer de tous les moyens de communication dont tout homme peut rêver : TV, téléphone, smartphone, ordinateur, tablette et de tous les réseaux sociaux possibles et imaginables : FB, WTS, Vber, Instagram…
Nous pouvions regarder des heures durant les informations, mesurer en temps réel l’échec du monde construit par nos parents et nos grands-parents. Regarder nos écrans jusqu’à la nausée…
Nous assistions médusés, sidérés, derrière nos écrans, à la mise en place de ce que Naomi Klein avait appelé « la stratégie du choc ». C’est-à-dire une stratégie, bien rôdée maintenant par les gouvernements ultra-libéraux, qui consistait à faire passer les lois les plus iniques durant ces périodes de choc que sont les tsunamis, pandémie, catastrophe nucléaire et autres…
Nous apprenions chaque jour, en même temps que la litanie du nombre de personnes décédées de par le monde, la mise à mal des acquis sociaux, si durement gagnés par la génération de nos arrière-grands-parents.
J’avais 20 ans et devais terminer mes études d’infirmière en cette fin d’année scolaire. J’avais 20 ans et il y a quelques mois encore, je rêvais de donner le meilleur de moi-même pour construire un monde meilleur.
J’avais 20 ans et venais de recevoir en cette matinée ensoleillée, un e-mail en vue d’une réquisition pour aller soutenir une équipe de soignants à l’hôpital Necker. Je recevrais en échange de ce service (obligatoire d’ailleurs) la modique somme de 12€50 par jour.
J’avais 20 ans et j’étais à peu près certaine que je n’aurais pas de quoi me protéger pour prodiguer les soins aux malades. Cela je l’avais appris grâce au témoignage des autres soignants.
Et oui, j’avais 20 ans, je vivais dans la 5éme puissance mondiale et mon pays n’était même pas en capacité de fournir le minimum requis pour protéger ses soignants.
Nous n’avions plus beaucoup de perspective et nous n’avions plus confiance en nos dirigeants. Ceux-ci nous interdisaient même d’oser dire qu’ils n’avaient rien anticipé. Leurs discours étaient on ne peut plus ambivalents : « Ne sortez pas ou vous aurez une amende mais allez travailler et vous aurez une prime. Ce n’est qu’une grippette mais c’est très grave. Ne mettez pas de masque, laissez-les pour les soignants même si j’en porte un… »
Je me demandais bien quel monde nous allions pouvoir imaginer pour demain tout en étant ainsi confinés, en regardant nos libertés se réduire comme une peau de chagrin ?
J’avais 20 ans et comme Paul Nizan, je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie.
Par Nathalie

Bravo et merci
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Très beau texte, touchant, juste et émouvant ! Merci
☺️
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Tout est dit, j’en ai le coeur serré, et quel gâchis
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